Avant-propos
Je n’avais encore que très peu écrit sur ce qui fut (est encore, mais pour combien de temps ?) mon activité alimentaire depuis maintenant trente ans.
Il me faut y venir, non pour me plaindre (contrairement à ce que mon sous-titre pourrait laisser entendre), mais pour dire la profonde révolte qui est la mienne et que je crois partagée par un nombre grandissant de collègues (du moins si j’en juge les blogs ou les sites contestataires qui fleurissent ici et là).
Je ne crois pas quetoute une profession soit capable de se saborder avec autant d’élégance que la mienne.
Je ne crois pas non plus que ce fait soit le résultat d’une démarche consciente de la part des quelques cinquante ou soixante mille kinésithérapeute que compte ce pays.
Non, je crois qu’il s’agit plutôt d’un lent glissement d’illusions en désillusions qui forge un inconscient commun et le guide d’un doigt sûr vers une forme de suicide collectif, sans rien lâcher des rêves et fausses apparences dont la plupart sont capables de faire un dogme qui les soutient, certes, mais les enfonce peu à peu, à la façon d’un tableau impressionniste, de reniements en négations, de petites tricheries, en sombres calculs de rentabilité, au risque de provoquer, sous peu, le séisme fatal.
On peut toujours nier l’existence des tremblements de terre et des tsunamis, jusqu’au jour où…
En septembre 1981, dans la folie de cette année bourrée d’espérances, j’obtenais mon sésame : je sortais dans les premiers de promotion avec mon « Diplôme d’état de Masseur-kinésithérapeute ».
Trente ans après, hier donc, 8 août 2011, je reçois une lettre d’avocat agissant sur commande du président d’un Conseil National de l’Ordre m’intimant de payer deux cent quatre vingt euros dans les huit jours. Faute de quoi, je m’expose à « une procédure disciplinaire emportant, notamment suspension et/ou interdiction d’exercer ». Et d’ajouter plus loin : cette « condamnation et/ou saisine […] vous mettrait en situation d’exercice illégal et/ou d’exercice non-conventionnel, dans l’éventualité où vous continuiez à exercer votre profession. »
Comment avons-nous pu en trente ans, en arriver à ce que certains collègues, auréolés de la gloire de faire partie d’un « ordre » professionnel avec délégation d’Etat, imposé sans discussion à une profession en difficulté de se penser dans son époque, puisse décider de la mort professionnelle de leurs collègues sans aucune discussion ni tentative de compréhension ?
C’est ce que je vais tenter, ici, par petites touches, mais sans prétendre à la moindre parcelle de vérité, de décrypter, juste pour me permettre, dix ans avant une retraite qui, par la grâce d’une réforme stupide, ne viendra sans doute pas, de transmettre le flambeau de la révolte, d’y inviter ceux qui croient encore à ce qu’ils font, qui ne s’imaginent pas en « techniciens » réparant les dégâts d’un système, mais en praticiens à part entière recevant entre leurs mains des humains en souffrance.
Mon écœurement n’aurait aucun sens, s’il ne devait contribuer à un réveil.
Manosque, 9 août 2011
Xavier Lainé
« Masseur-Kinésithérapeute diplômé d’Etat, 1981 »
Bravo Xavier, merci de dire tout haut ce que je pense!
Si ma voix, en se joignant à la tienne et à tous les kinés en révolte, pouvait faire avancer les choses je te la donne!
Marre que quelques élus (élus par une drôle d’unanimité… représentants de qui?) puissent décider d’une chose aussi grave que la liberté ou non d’exercer son métier, sans aucune faute de pratique professionnelle!
Bénédicte Renelier
RENELIEr
août 9, 2011 at 6:17